Ça fait trente ans qu’on en parle, et pourtant les progrès sont encore timides en France ! Bien que cela soit devenu un droit pour les salariés, malgré les aspirations d’une large majorité de collaborateurs, notamment les cadres, malgré les dispositions des ordonnances pour le renforcement du dialogue social qui simplifient et sécurisent le télétravail, celui-ci tarde à se mettre en place dans les entreprises. En cause bien souvent la volonté d’encadrer son recours par des accords collectifs qui ont mis du temps à être négociés. Et malheureusement les accords dont nous avons eu connaissance semblent peu ambitieux, limitant le temps potentiellement télétravaillé à un jour par semaine. Pourtant lors de nos formations et séminaires, les échanges sur le sujet sont nombreux lors des pauses, les attentes fortes et la limite d’une journée d’ores et déjà anticipée comme décevante.
Culture du présentéisme ou culture de l’autonomie ?
En cause surtout la culture du présentéisme, la croyance selon laquelle « si je ne te vois pas travailler alors tu ne travailles pas », la confusion entre temps passé au travail et contribution… Des maux bien français et anachroniques à l’heure où ces mêmes entreprises réfléchissent à comment « libérer le management », développer la culture de l’autonomie et l’agilité… Alors peut-être pouvons nous voir le 5 décembre 2019, annoncé comme un jeudi noir des transports pouvant se prolonger, comme une lueur d’espoir, le déclic pour une utilisation plus audacieuse du télétravail ? Nous ne remettons pas en cause la nécessité de cadrer, de préciser les règles du jeu de ce mode de travail dans un souci de cohérence, de prendre en compte ceux à qui cela ne convient pas …
Mais plutôt qu’une approche « top-down », la même règle pour tous, à l’opposé de l’évolution de la culture voulue :
- Ne peut-on pas faire confiance aux managers pour qu’ils sachent communiquer leurs attentes et préciser les objectifs à leurs collaborateurs pour que ceux-ci puissent travailler en autonomie tout en les sollicitant si besoin est ?
- Ne peut-on pas écouter les collaborateurs qui témoignent de leur meilleure productivité en travaillant dans un environnement sans interruption ou sans le bruit ambiant d’un open space ?
- Ne peut-on pas croire en des discussions franches et saines entre managers et collaborateurs sur l’adaptation d’un poste aux modalités du télétravail ?
- Ne peut-on pas prendre en compte le temps gagné (une à deux heures par jour si ce n’est pas plus), énorme, et ses conséquences sur la santé des personnes et de la planète ?
On nous opposera sans doute les risques : désocialisation des travailleurs, difficulté du travail collectif …. Concernant le premier risque, soyons sérieux : le télétravail n’empêche pas les personnes de faire partie d’une communauté de travail, et les deux heures passées à faire autre chose que le trajet domicile-travail ne peut que libérer du temps de socialisation !
Télétravail et efficacité collective
Concernant le deuxième, nous pensons d’expérience que le télétravail incite à plus d’anticipation et une diminution de la réunionite aigüe, mal le mieux partagé des organisations avec qui nous travaillons. Grâce aux nouvelles technologies le partage d’information est facilité et peut s’affranchir de contraintes de lieu et de temps (media en ligne). L’efficacité des autres types de réunion est bien plus aujourd’hui le résultat d’une bonne préparation, d’un objectif clair, de participants bien ciblés et d’une bonne animation que des modalités de présence physique ou à distance de nos jours ! Et puis savez-vous à partir de quelle distance la fréquence d’interaction chute drastiquement ? … 15 mètres ! On utilise déjà le mail et des messageries instantanées pour communiquer avec des personnes à quelques mètres, alors quelle différence si ces personnes sont à distance ?
Rédaction : Françoise Le Mouë
Crédit Photo : Avi Richards on Unsplash